L'amour, c'est quoi ?

Pour tenter de répondre à cette question, une centaine de chercheurs et de spécialistes du monde entier se sont penchés sur ses mécanismes, ses méandres, ses secrets et ses mystères. Edifiant !
© Jean Bernard Boulnois
«Quand vous tapez le mot “amour” sur un moteur de recherche, vous obtiendrez un peu plus de 200 millions de résultats. En revanche, quand vous écrivez le mot “sexe”, vous n’en aurez “que” 114 millions », s’amuse Leo Bormans, écrivain, conférencier et concepteur du livre The World Book of Love – Le Secret de l’amour (aux éditions Racine). Contrairement aux idées reçues, l’amour est plus important que le sexe ! « Tout le monde veut être amoureux, tout le monde veut aimer et être aimé. J’ai voulu savoir pourquoi », explique Leo Bormans. Pendant deux ans, l’auteur a enquêté, a sollicité des spécialistes les plus éminents dans le monde entier (sociologues, psychologues, anthropologues, neuroscientifiques et sexologues) en leur demandant de résumer en mille mots leurs connaissances sur l’amour. Et voici le résultat : un grand pavé de 350 pages qui se lit (presque) comme un roman d’amour. « Je considère ce livre comme un “miroir”, censé nous faire réfléchir. Comme une “fenêtre” ouverte aussi, donnant envie d’entrer en action. Je souhaite que les lecteurs transforment ces informations en connaissance, puis en sagesse. »

Un jeu de molécules

Premier constat : l’amour, un état émotionnel extrêmement puissant, est universel et a toujours existé. « L’amour est une forme de gestion de la matière, explique Jean-Didier Vincent, neuro-psychiatre et neurobiologiste français, l’un des intervenants du livre. La vie est apparue progressivement par interaction des molécules qui se sont reconnues par affinité. Aujourd’hui, on peut avancer que l’amour et le sexe (que je confonds toujours), comme d’ailleurs tout ce qui ressort du domaine de la vie, est une affaire de chimie. Le but de l’amour est très simple et consiste à relier les êtres entre eux. Les premières théories sur l’amour ont été élaborées par Platon. C’est lui qui a le mieux compris le désir amoureux qui est la fonction du manque et la fonction du corps désirant, en le résumant dans cette phrase célèbre : “Ce qu’on n’a pas, ce qu’on n’est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour”. » Effectivement, plus simple, on ne peut pas.

Mais comment « tombons-nous » amoureux ? Scientifiquement parlant, nous tombons amoureux quand les deux hormones de l’amour, la dopamine et l’ocytocine, sont libérées dans le cerveau. La dopamine est au cœur des systèmes désirants qui vont commander les structures du cortex (un tiers du poids de notre cerveau) impliquées dans le circuit de la récompense. Ce circuit, essentiel pour notre survie, favorise les comportements fondamentaux : manger et boire, notamment. Il nous incite aussi à répéter les expériences agréables : c’est la cible privilégiée du sentiment amoureux, de l’excitation sexuelle et... des drogues. L’ocytocine est l’autre hormone impliquée dans le circuit de la récompense. Elle est synthétisée par l’hypothalamus et sécrétée par l’hypophyse située à la base du crâne. En grec, elle signifie « accouchement rapide » car elle accélère et facilite le travail d’accouchement. Les récentes découvertes scientifiques ont prouvé que l’ocytocine se libère aussi lors des caresses, des contacts sexuels et de l’orgasme avec, à la clé, des sensations de bien-être, de relaxation et d’attachement à l’autre. Cette hormone est une molécule très importante dans la socialisation, elle renforce le sentiment de confiance en soi vis-à-vis des autres.

« Si l’ocytocine intervient dans l’attachement entre les deux partenaires, elle intervient forcément dans la fidélité au sein d’un couple, souligne Jean-Didier Vincent. On peut donc avancer que c’est l’hormone de la monogamie mais aussi de l’adultère. Les hormones sexuelles ne se préoccupent pas de la morale chez les humains ! La fidélité est d’ailleurs exceptionnelle, c’est un exploit. Selon moi, il y a 80 % de cocus. La fidélité est une construction mentale qui repose sur l’engagement personnel du couple. En amour, c’est donc le cerveau qui est l’outil et il ne faut pas le priver de l’aliment. Pour entretenir la flamme, je n’ai qu’un seul conseil à donner : faites l’amour, faites l’amour, faites l’amour ! Mais pas à tort et à travers, bien entendu. Quand on est bien dans sa peau, le désir reste intact. L’art d’aimer est synonyme d’art de vivre. Il se cultive au quotidien et fait appel à la gestion économique du plaisir et du désir. L’amour et la sexualité nécessitent un certain contrôle. »

Résumons. Selon les dernières découvertes en neurosciences, la dopamine et l’ocytocine sont les deux hormones nécessaires et suffisantes pour déclencher un sentiment amoureux. Elles impliquent les mêmes zones cérébrales et sont universelles. On les retrouve dans le lien de couple, dans l’attachement parents-enfants, dans l’amour homosexuel et hétérosexuel. Fort heureusement, les mécanismes cérébraux ne résument pas l’amour et la sexualité, où l’inconscient, notamment, joue un rôle tout aussi important.

Chaque amour est unique

Si, a priori, l’amour est très simple, il est toujours unique. « Chaque personne a sa définition de l’amour, décrypte Leo Bormans. Pour trouver l’âme sœur, il faut chercher quelqu’un qui a la même vision. Les mots “je t’aime” doivent avoir la même signification pour les deux partenaires. Chacun bâtit son histoire d’amour selon sa personnalité et ses aspirations. Ainsi, certains rêvent d’un conte de fées ou d’un amour “hollywoodien”, d’autres souhaitent vivre une sorte de “roman policier” avec de l’action et des émotions fortes. Il y a aussi ceux qui sont en quête d’un amour “business” ou d’une affaire de gros sous. Les scénarios varient à l’infini. »

La meilleure recette pour que l’amour rime avec toujours ? Donner de l’amour mais aussi respecter et cultiver l’autonomie de l’autre, en pratiquant le « phénomène Michel-Ange » (développé dans le livre par le psychologue Madoka Kumashiro). Le sculpteur disait qu’il taillait petit à petit un bloc de pierre pour arriver à la forme idéale, enfermée à l’intérieur. Cette théorie suggère que nous avons besoin d’un sculpteur habile qui nous aiderait à découvrir notre « moi idéal », autrement dit la personne que nous aspirons à être. « Chacun change et évolue tout au long de la vie, conclut Leo Bormans. Notre partenaire suit le même cheminement. Il faut le respecter et l’encourager dans cette voie-là. Il faut donner de l’oxygène à l’autre.
 
L’amour ne tombe pas du ciel, il demande des efforts. La pub, le cinéma et les livres nous donnent une mauvaise image de l’amour. Le livre indique les bonnes serrures, à chacun de trouver les bonnes clés. »

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